Picrate, pive, pinasse, picmuche, fuchsia, rouquin, rouginet, gros bleu, crassi Limagination des soldats de la Première Guerre mondiale, lorsquil sagissait de nommer le vin, navait pas de limites. Car les poilus aimaient « le pinard dun amour qui frise la passion ». On lassimilait volontiers, dans les journaux du front ou les chansons de circonstance, au sang du sacrifice, à la fécondité, voire au génie de la patrie. Cest cette histoire sensible et sensorielle qui est ici retracée : Blaise Cendrars se rasant au gros rouge par manque deau - la hantise de perdre son quart, que lon emporte partout avec soi même sil étincelle au soleil et risque dalerter lennemi - les pillages du printemps 1918, lorsquaprès le recul des Allemands on organise des festins au champagne dans les tranchées de la Marne Les rations de vin et deau-de-vie, distribuées quotidiennement, étaient devenues, pour le commandement, un élément essentiel de leffort de guerre. En 1918, on put affirmer que « le général pinard » avait été « lun des vainqueurs de la guerre ». Ces mêmes années de laprès-guerre virent lapparition dun nouveau fléau, le « vinisme ». Parmi cette génération danciens combattants, combien furent marqués à jamais par lalcoolisme, ce mal indispensable à qui voulait surmonter lhorreur de la bataille ?